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  • Photo du rédacteurTancrede Jankowski

Le conflit yéménite : échec et silence assourdissant de la communauté internationale

Les efforts diplomatiques de la communauté internationale n’auront pas eu raison du conflit yéménite à l’origine de l’une des plus graves crises humanitaires de ces dernières décennies. Alors que la presse et certains gouvernements occidentaux se détournent dans un silence assourdissant de cette zone stratégique au carrefour des continents, le nord du Yémen est toujours le théâtre d’intenses combats entre les forces gouvernementales et les rebelles houthistes. Les multiples ingérences extérieures des puissances régionales et internationales éloignent encore davantage la résolution politique du conflit au Yémen, pays qu’ils n’ont eu de cesse de déstabiliser et de fragmenter. [1]


Le constat d’échec est indéniable. Ce mardi 15 juin 2021, l’émissaire de l’ONU pour le Yémen a annoncé mettre un terme à sa mission de médiation plus de trois ans après son déploiement. Loin des agences onusiennes, sur le terrain, les combats entre les parties belligérantes ont conduit au décès de 111 combattants en seulement trois jours à la fin du mois de juin. [2]


En dépit des appels au cessez-le-feu et pendant que l’ONU cherche d’ores et déjà un successeur pour le poste d’émissaire, le conflit a atteint un niveau d’intensité très élevé dans la province de Marib, dernier bastion des forces gouvernementales soutenues par la coalition arabe menée par l’Arabie Saoudite. Riyad, qui a longtemps justifié son intervention au Yémen comme un moyen pour enrayer l’expansion iranienne dans la région, souffre désormais d’une grave crise de légitimité. L’Arabie Saoudite accusa en effet la rébellion houthiste, d’identité zaydite (branche chiite), d’être à la botte de l’Iran, son adversaire héréditaire. Riyad lança alors l’opération Tempête décisive en mars 2015, via une coalition de pays arabes, pour rétablir l’autorité du président Abderabouh Mansour Hadi. [3]


Toutefois, à mesure que la guerre s’enlisait, une multitude de narratifs et de récits contradictoires ont commencé à émerger laissant place à une bataille de l’image sans précédent entre les puissances impliquées au Yémen. Alors que l’action militaire de la coalition arabe était comprise au départ par la presse étrangère comme une intervention visant au rétablissement de l’autorité politique légitime au Yémen, la perception du conflit a évolué pour être appréhendée comme une guerre par procuration entre l’Arabie Saoudite et l’Iran. Puis lorsque les experts des agences onusiennes ont démenti un tel niveau d’implication de l’Iran et que les conséquences de la crise humanitaire commençaient à être visible, l’action de la coalition arabe fut alors perçue comme étant une agression étrangère saoudienne, occultant de fait les logiques internes qui s’exerçaient au Yémen.


Cette guerre médiatique, qui fait rage en parallèle des combats, a également conduit à ce que le leadership saoudien au sein de la coalition mette à l’abri des critiques des pays comme les Émirats arabes unis qui sont également bien impliqués dans cette guerre.


La responsabilité latente de l’Occident permet de saisir l’internationalisation du conflit comme composante centrale de la trame géopolitique du Yémen. En tête, les États-Unis, le Royaume-Uni et la France aident activement la coalition arabe avec l’aide technique et les innombrables contrats d’armement avec l’Arabie Saoudite. En 2020, l’Arabie Saoudite était le premier client de la France avec des commandes d’armes s’élevant à 703 millions de dollars. Néanmoins, outre-Atlantique, Joe Biden entend rompre avec la politique de son prédécesseur puisque la nouvelle administration a annoncé mettre fin au soutien financier et matériel américain aux opérations menées par la coalition arabe. [4]


Les agendas politiques contradictoires et les nombreux récits qui entourent le conflit yéménite auront conduit à des réponses militaires inadaptées et totalement déconnectées des réalités sur le terrain et des besoins des populations. Les ramifications internationales du conflit occultent le plus important dans cette crise. Le Yémen est durement frappé par une famine sans précédent qui s’accompagne d’une destruction des services publics - dont le système de santé - et d’une faillite de l’économie. Les bombardements, les combats et la faim sont responsables de la mort d’environ 250.000 civils depuis 2015 selon les agences de l’ONU. En étant le premier contributeur de l’aide humanitaire au Yémen, L’Arabie Saoudite essaye en vain de redorer son image à l’international et de se positionner comme le protecteur des populations yéménites.


Finalement, les promesses du printemps yéménite sont désormais bien loin et ni les ONG, ni la communauté internationale ne parviennent à apporter une résolution politique à la catastrophe humanitaire qui délite encore davantage cet État failli. [5]



@Photo : AFP


Sources :


[1] Ouest France, (2021). Yémen : constat d’échec de l’émissaire de l’ONU au terme de ses trois ans de mission. Ouest France/AFP.


[2] France 24, (2021). Yémen : plus de 110 morts en trois jours dans des combats pour le contrôle de Marib. France 24/AFP.


[3] Bonnefoy Laurent, (2020). Face au conflit yéménite, une communauté internationale fragmentée. Annuaire français des relations internationales. Volume XXI. Centre Thucydide.


[4] Amnesty International, (2020). La France continue d’alimenter en armes le conflit au Yémen.


[5] Bernin Pierre, (2021). Fiasco saoudien au Yémen. Le Monde diplomatique.


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