top of page
Rechercher

La Colombie au bord de l’implosion sur fond de révoltes sociales

Photo du rédacteur: Tancrede JankowskiTancrede Jankowski

Dernière mise à jour : 29 juin 2021

Les mouvements de contestation à Cali, troisième ville de la Colombie et épicentre des manifestations, ne désemplissent pas. Le rejet de la réforme fiscale et les effets de la crise sanitaire ont amorcé une bombe sociale qui a encore plongé davantage les Colombiens dans la précarité. Les heurts entre la police et les manifestants sont désormais quotidiens et le pays se rapproche peu à peu du chaos social tant redouté. [1]


Une fois la nuit tombée et les chants populaires scandés dans une ambiance festive, les manifestations antigouvernementales sombrent dans une violence inouïe qui émane à la fois des manifestants (cocktails Molotov, jets de pavés, etc.), mais aussi des forces de l’ordre (187 cas de tirs à balles réelles sur les manifestants recensés). Le bilan de la répression policière est dramatique. Des dizaines de civils tués et de nombreux portés disparus dont le sort est plus qu’incertain dans un pays où les assassinats d’activistes politiques et de leaders sociaux sont un réel fléau. [2]


Mais quels sont les fondements de cette crise politico-sociale ? Comment des manifestations émanant de la société civile ont pu conduire à une telle escalade de la violence ?


Les effets néfastes de la crise sanitaire sur une économie colombienne déjà fragile ont fait planer le risque d’une nouvelle récession. Afin d’assurer l’équilibre des finances publiques, le président conservateur Ivan Duque, via un projet de réforme, a souhaité augmenter la collecte fiscale de l’État colombien dont le taux est l’un des plus faibles des pays membres de l’OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économique). Après un rejet massif de l’opposition et des citoyens, le président colombien a proposé des aménagements dans le projet afin d’apaiser les tensions. Lorsque les manifestations ont pris une ampleur inédite, Ivan Duque supprima l’ensemble de la réforme, mais l’embrasement de la révolte populaire avait déjà débuté [3].


Les racines du malaise social en Colombie sont anciennes. Le conflit armé opposant entre autres le gouvernement central colombien et les FARC avait mis un coup d’arrêt aux mouvements sociaux. En 2016, lorsque les accords de paix furent signés en instaurant, en principe, un cessez-le-feu avec la guérilla marxiste, les revendications sociales ont cessé d’être occultées en revenant sur le devant de la scène politique [4]


En passant de 35% à 42% de la population colombienne qui vit sous le seuil de pauvreté depuis le début de la crise sanitaire, la réforme fiscale actionnée par un gouvernement accusé d’être négligent et déconnecté de sa population n’était finalement que l’arbre qui cache la forêt. À tort le gouvernement accuse les FARC démobilisés, l’armée nationale de libération (ELN) ou encore les narcotrafiquants de fomenter les troubles à l’ordre public. Selon les spécialistes, les violences urbaines ne sont pas seulement orchestrées par les casseurs, bien au contraire. La jeunesse, les indigènes ou encore les citoyens issus des classes sociales les plus modestes convergent pour protester contre la pauvreté, les inégalités sociales, la corruption, l’usage disproportionné de la force par la police et l’armée ou encore le traitement abusif des minorités ethniques. De nombreux manifestants exigent la démission du président Ivan Duque dont le taux de popularité atteint seulement 33%.


Quant à l’ONU et les organisations des droits de l’homme, elles condamnent fermement d’une part la gestion de la crise du président de la droite radicale et d’autre part l’extrême violence qu’utilisent les forces de l’ordre et l’armée qui n’hésitent pas à tirer à balle réelle sur les civils. [5]


Les violences en Colombie ont suscité un émoi à l’international s’accompagnant d’une vague de soutien sans précédent. La communauté internationale scrute désormais le président Ivan Duque et accentue la pression sur celui-ci. En réponse à cela, le gouvernement opte désormais davantage pour la négociation avec les représentants de la société civile plutôt que par la répression sanglante. Toutefois, la situation dans certaines métropoles, dont la ville de Cali, reste très tendue et la colère sociale n’en finit plus. La paix sociale s’éloigne finalement à mesure que la dérive autoritaire du pouvoir s’accentue.


@Photo : LUIS ROBAYO/AFP


Sources :

[1] Jaumouillé Nolwenn, (2021). « Colombie : narcotrafic, révolte sociale et répression... la ville de Cali au bord du chaos » L’Express

[2] Salazar Sierra Caronlina, (2021). « Más de 21 millones de personas viven en la pobreza y 7,4 millones en pobreza extrema ». La Republica

[3] Bourdillon Yves, (2021). « Retrait d’une réforme fiscale contestée en Colombie ». Les Échos.

[4] Le Point international, (2021). « Colombie : la pression monte contre le président en seconde semaine de manifestations ». AFP/ Le Point

[5] Bèle Patrick, (2021). « La Colombie sombre dans un grave chaos social » Le Figaro.


Pour aller plus loin :

Courrier international : Contestation. Colombie : pourquoi la révolte sociale a explosé à Cali : https://www.courrierinternational.com/article/contestation-colombie-pourquoi-la-revolte-sociale-explose-cali

France Culture : Colombie : le regard de la droite dure au pouvoir sur le pays : https://www.youtube.com/watch?v=PiQgDKLVfZA

Arte : Colombie : le soulèvement de la tribu Nasa | ARTE Reportage : https://www.youtube.com/watch?v=jzCqbPXESXI

29 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comments


bottom of page